Rome, Jour 10.
– Quelles nouvelles ?
– On est en quarantaine. Coincés à la maison.
– Et ça va ?
– Où tu veux que j’aille ? Hahaha !
– Hum… Pardon, je veux dire comment tu pourrais me le décrire ? Après c’est sûr qu’être enfermé c’est pas terrible.
– Mec, comment te dire, c’est tellement bizarre comme bordel. Le premier jour était normal, c’est comme passer le dimanche à la maison. Le deuxième jour était génial, je venais d’apprendre une super bonne nouvelle sur ma santé. Pendant cinq secondes, j’ai cru que j’allais y passer. Le troisième jour était bizarre. Comme si toute la joie était retombée. Aujourd’hui, je pète un câble, je veux faire des trucs, penser à des projets mais tout de suite je deviens folle. Je descends et remonte les escaliers, je tape ma tête contre le mur, je zappe comme une malade, je scrolle mon Insta comme une acharnée. Alors, comment te dire, la quarantaine c’est génial, youpdidou !”
Elle s’arrête, respire longuement.
« Mais je pense que c’est difficile d’être enfermée en ce moment. Pas seulement à cause du confinement mais parce que l’année a été compliquée émotionnellement. La sœur de ma meilleure amie vient de mourir d’une crise cardiaque… Et tout remonte. C’est pour ça que je n’ai pas pu te donner de nouvelles plus tôt. La sœur de ma meilleure amie vient de mourir d’une crise cardiaque. Elle était jeune. C’est un moment difficile. On est partis avec plusieurs amis en plein milieu de ce bordel. Le Nord de l’Italie, Milan, étaient bloqués mais ça allait encore du côté de Rome et dans le Sud. Alors on a pris une voiture à quatre et on l’a accompagnée dans sa ville natale, Catanzaro, pour être avec elle. Catanzaro c’est tout au sud, près de la mer Ionienne, vieille ville, vieilles pierres et beaucoup de vent. On a beaucoup ri et chanté sur la route. On a pleuré aussi. Mais jamais trop longtemps.
J’ai grimpé à un arbre. Je voulais chercher un espace rien qu’à moi, où je pourrais voir autre chose que quatre murs et un escalier. Je l’ai agrippé fort, j’ai posé ma tête contre le tronc, j’ai fermé les yeux. J’ai enfin respiré.
Bref, je suis de retour à Rome, j’en ai marre de me tourner les pouces. On bosse ? »
Giulia est photographe.
Ces chroniques sont issues de vraies conversations mais réécrites et parfois recomposées. J’espère leur faire justice.
Corona Chroniques est une série. Un épisode tous les jours. La suite :
24/03/2020 Aurélie, Montréal
25/03/2020 Luis, Berlin
26/03/2020 Marina, Copenhague
27/03/2020 Carla, Barcelone
31/03/2020 Amélia, Paris
01/04/2020 Ben, Sud de la France
02/04/2020 Sanza, Hong Kong
03/04/2020 Nicolas, Kuala Lumpur
04/04/2020 Amandine, Saint-Denis
06/04/2020 Hsiao Wei, Taipei
07/04/2020 Anna, Paris
08/04/2020 Marie-Hélène, Gros-Morne
09/04/2020 Nadia, Schoelcher
10/04/2020 Célia, Sainte-Marie