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Corona Chroniques – Nicolas

Kuala Lumpur, Jour 12

« Je suis dans un grand appart. Ça va. Enfin avec les enfants enfermés c’est pas facile. Il faut qu’ils aient de la place pour dépenser toute leur énergie. Sinon je bosse comme d’hab, on s’appelle, on doit délivrer un projet de plateforme pétrolière, donc on fait ça en Chine. En janvier c’était la merde pour nous. Mais en Chine ça a recommencé à rouler, ils remettent des gens pour rattraper le retard. Les chantiers recommencent à fonctionner. Du coup, on a du mal à faire venir des gens en Chine, puisqu’ils ont quand même fermé les frontières…

Sur ce projet-là : je suis à KL, la Management Project Team est aussi à KL. On a quand même 250 personnes ici. On fait des bateaux plateformes. Tu prends la coque d’un bateau, tu mets une usine dessus, ça doit tenir pendant vingt ans. La partie ancrage est faite à Monaco. D’ailleurs c’est là que j’ai commencé. Il y a quelques modules qui sont faits au Brésil. En fait, on fait ça pour le Brésil, donc il faut quand même des choses faites là-bas. D’ailleurs mon équipe, ce sont des Brésiliens. Il y en a trois qui vont partir en Chine bientôt. Après, on achète nos équipements un peu partout dans le monde, beaucoup en Italie. (Il rigole). 

Franchement, quand ça a commencé, on s’est mis au boulot dès que possible. On a dit à IT de mettre tout en ligne. On n’a pas le choix. Le projet fait un milliard. Chaque jour ce sont des centaines de milliers d’euros en jeu. Donc il y a des assurances, le client compense, mais si on a un jour de retard on est perdant. On peut pas se le permettre. 

Toute mon équipe est au Brésil, donc des fois, je commence à 18 heures, je finis à 9 heures du matin. Le week-end, enfin avant le confinement, beaucoup de randonnées avec la famille. Il suffit de faire vingt-trente minutes en voiture et il y a des chemins. La vie est douce ici. Enfin, je suis un expatrié, la vie est douce. L’entreprise s’occupe de tout. Dès qu’il y a un problème, l’entreprise est là. Mon fils a huit ans, ma fille six ans, ils s’amusent autant qu’ils se battent. Enfin là, ils s’amusent plus. Mon aîné parle français, anglais, un peu de dutch, il avait commencé quand j’étais là-bas, mais bon c’est pas ici qu’il va continuer. Il fait du chinois, mais bon y’a le temps. Pas de pression. Le dimanche on met tout un tas de musiques pour les enfants, du Jazz, du Hip-Hop US, des sessions trap, mais bon ils commencent à comprendre l’anglais, on va faire attention ! Je mets du classique aussi parce que mon père en écoutait beaucoup, et mine de rien quelque chose est resté. Du Fuckly aussi. 

Je suis dans un grand condo, dans un complexe on dirait une cité. Mais bon, il y a des voisins qui ont des Bentley, des Ferraris. Il y a deux piscines, un court de tennis. Ça va. Les premiers jours on a ressenti un peu de frustration mais on a fait des courses. On en a pour huit, neuf jours de frais. C’est bon, a deux gros frigos. Et puis il y a toujours des livraisons. Le Gouvernement l’a défini comme un service essentiel. Grab et FoodPanda tournent à plein pots. En Malaisie, la bouffe c’est une manière de vivre. Le matin les gens ne te disent pas bonjour, bonsoir, ils te demandent si tu as mangé. Dans ce pays tout est lié à la bouffe. Pas de teambuilding sans un repas sérieux, tu prépares pas des p’tits sandwichs hein, il te faut quelque chose de costaud. 

Faut que je bosse, je suis en train de voir le compteur d’emails défiler et ma journée a commencé. » 

Nicolas construit des bateaux à un milliard. 

Ces chroniques sont issues de vraies conversations mais réécrites et parfois recomposées. J’espère leur faire justice. Corona Chroniques est une série, un épisode tous les jours. Retrouvez les précédentes Chroniques :
23/03/2020 Giula, Rome
24/03/2020 Aurélie, Montréal
25/03/2020 Luis, Berlin
26/03/2020 Marina, Copenhague
27/03/2020 Carla, Barcelone
31/03/2020 Amélia, Paris
01/04/2020 Ben, Sud de la France
02/04/2020 Sanza, Hong Kong
04/04/2020 Amandine, Saint-Denis
06/04/2020 Hsiao Wei, Taipei
07/04/2020 Anna, Paris
08/04/2020 Marie-Hélène, Gros-Morne

09/04/2020 Nadia, Schoelcher
10/04/2020 Célia, Sainte-Marie