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Black Panther, modernité noire : Wakanda, l’Atlantide noire

Wakanda, le paradis de la tech (Fantastic Four #52 (1966) de Jack Kirby)

On découvre Wakanda dans le comics des Quatre Fantastiques ainsi : une jungle en plein milieu d’une Afrique conradienne, sombre, qui ne trahit aucun développement, aucune civilisation, avant de passer une barrière invisible qui révèle une civilisation plus avancée que celle du monde occidental. Choc pour nos héros qui bien que bienveillants, ne s’attendaient pas à une telle découverte en Afrique !

Dans le film Black Panther, cette découverte se fait plus lumineuse on passe de la splendeur des décors naturels aux sommets de la technologie dans un trip enivrant où on suit le regard de protagonistes qui ne souffre pas de regard blanc et donc nous non plus :


Marvel avait pour habitude de s’appuyer sur les mythes et mythologies de plusieurs pays pour créer ses personnages. Dans les années 1960 néanmoins, à l’exception de Kukulkán, le dieu du vent des Mayas présent chez les X-Men, la quasi-totalité des divinités mythologiques représentées viennent d’Europe, de Scandinavie et de l’héritage gréco-romain… Non, pas de Toutatis désolé ! On le voit notamment par l’intermédiaire de Thor et d’Hercule, deux Avengers historiques dont un seul connaîtra une carrière cinématographique. 

Kirby et Lee vont donc inventer une civilisation africaine, avec quelques sources historiques ici ou là : la connexion à l’Égypte par la divinité Bast qui devient la divinité tutélaire du culte de la Panthère Noire dont T’Challa est l’héritier, et la connexion à des mythes divers par un Dieu Gorille, Ghekre (Hanuman dans le film) pour la tribu des Jabari. Un Dieu Gorille blanc dans la bande dessinée.

M’baku l’Homme-Gorille et le culte du Gorille Blanc dans le comics


Pour résumer : Le Wakanda est un pays fictif d’Afrique Centrale ou d’Afrique de l’Est (voir les cartes, c’est pas toujours évident). C’est un petit royaume, longtemps caché aux autres nations du monde et qui possède le plus gros gisement naturel du métal de fiction aux propriétés insoupçonnées, le vibranium. Le métal utilisé pour les armes, rend le royaume puissant et craint, mais peut aussi muter les hommes et les animaux, créant ainsi des monstres… ou des super-héros. La première Panthère Noire date de 10 000 ans avant T’Challa, notre héros et prince actuel, fils du roi T’Chaka. Le Wakanda vit caché. Le royaume est si discret que la plupart des gens dans le monde ne sont pas au courant de son existence.

Le Wakanda est au Nord du Nigéria
Ou dans la Corne de l’Afrique ?

Wakanda est votre civilisation super-avancée mais cachée (El Dorado, l’Atlantide, Mû etc…) avec une teinte de clichés africanistes mais sans plus. Une civilisation un peu superficielle et qui a du mal à se situer dans le temps.

Dans sa première apparition, Black Panther défait les Quatre Fantastiques, héros quasi-invincibles qui déjouent des entités cosmiques, tout cela grâce à son intelligence supérieure, son sens de la ruse, son art du combat et sa technologie. Black Panther est parfait, si seulement un peu parano. Et il décide de s’occuper des affaires du monde en rejoignant les Avengers peu après. Bye Wakanda. Car Wakanda est immobile, éternelle, sans soubresauts. Il ne s’y passe rien. Wakanda est chiante.

Péniblement, dans les années qui suivront, seront introduits des personnages qui menacent l’ordre établi et immuable : M’Baku appelé l’Homme-Singe dans le comics, réactionnaire et traditionnaliste, et Killmonger, l’usurpateur un peu psychopathe. 

De manière assez drôle, alors que beaucoup de gens pensent que leurs naissances et leurs problématiques sont liées, le Black Panther Party et le personnage Black Panther ont eu une coexistence historique compliquée. Au point où Marvel a même cherché dans un moment très court à renommer Black Panther en Black Leopard. Black Panther lui-même de dire dans Fantastic Four No. 119 que le terme a pris une connotation politique et que “Black Panther ne condamne ni ne supporte ceux qui ont pris le nom”.

T’Challa dit des bêtises (Fantastic Four No. 119)

“Black Panther ne condamne ni ne supporte ceux qui ont pris le nom”

Black Panther ne fait pas de politique. Le Wakanda non plus.

Pendant un long moment, Black Panther, le super-héros, est une sorte de François Bayrou des comics**. Une figure qui se veut noble, mystérieuse, ancrée mais un peu clichée. Une figure creuse, ennuyeuse qui n’a pas grand chose à dire et ne soulève pas un grand enthousiasme en réalité.

Black Panther est là pour faire le nombre, pour prendre des coups et laisser Thor battre le grand méchant. Black Panther est un token, une figure de respectability politics. Quelqu’un qui correspond aux standards établis par l’ordre dominant, et qui ne les remet pas en cause. Le problème de Black Panther et du Wakanda c’est qu’ils correspondent à des mythes rassis. Et souvent racistes.

** Pardon au Béarn et à François Bayrou

« Black Panther, modernité noire » est une série. Retrouvez une partie chaque jour.
I. Aux sources de Black Panther
II. Marny, la Panthère noire
III. Wakanda, l’Atlantide noire
IV. L’impossibilité du Wakanda
V. La réappropriation
VI. Hegel et Zera Yacob
VII. Erik
VIII. La vengeance est-elle une solution politique ?

Texte paru originellement dans le Zist 18, en Février 2019. Ceci est une version rééditée et augmentée pour le web.