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Ma Maryse à moi

Maryse. 

Aujourd’hui que tu es morte, vont se déverser sur ton honorable personne toutes sortes de louanges, d’hommages dignes et élaborés.

J’ai appris que la mort des immortels n’est pas la mort. Donc je parlerai franchement. De notre première rencontre dans ton récit un peu bancal, un peu confus, Hérémakhonon (renommé plus tard En attendant le bonheur) où tu racontais l’Afrique. Tes yeux d’Antillaise face à l’effondrement de tes fantasmes d’Afrique.

 Je me précipite à tes cours à Paris Nanterre Université pour t’écouter mordre ici ou là un auteur avec un sourire de biais et une fausse douceur dans les yeux. Tu n’aimais pas les médiocres. Fussent-ils louangés par des prix d’incultes. Tu écoutes les étudiants africains et les autres, nous autres descendants de la Traversée, brésiliens, martiniquais, guadeloupéens, haïtiens qui s’entassent dans la salle de cours et qui attendent un conseil, une espérance d’écrire à leur tour. Nous te hélons « Maryse » sachant obscurément que nous ajoutions des étincelles infimes dans ta flamboyante destinée.

Tu leur dis que tu n’es pas plus africaine et que tu as du mal avec nous autres les Antillais, que c’est une des raisons pour lesquelles tu es partie, parce que ces pays sont peut-être trop petits. Non ! Non, je te réponds avec outrecuidance, nos pays ne sont pas petits. Ah bon ? tu me regardes de travers.

 Tu balances d’un air faussement résigné que tu vas laisser ce pays, la France, parce qu’elle ne te considère pas assez. Elle n ‘a pas pris ta mesure, ta « hauteur » dirions-nous. Tu le dis sans humilité comme pour te moquer.

Tu laisses cet interstice que tu avais bâti comme un refuge et tu t’en vas à l’assaut de l’Amérique. Tu éclabousses le monde entier de ton éblouissant Ségou. Ils ne savent pas que c’est ton adieu à l’Afrique.

Tu es reconnue, adulée, iconisée. Toi, Tituba la sorcière, tu fécondes tes fleurs féroces en toute quiétude croyons-nous.

Mais ton maudit petit pays, la Guadeloupe, t’habite et te hante. 

Tu y reviens, tu retraverses la mangrove, tu restes prise dans l’emmêlement des lianes de la mangrove. Tu étouffes. Décidément. Tu repars, le cœur lacéré. En Amérique encore, puis tu trouves un interstice béni à Gordes, en Provence. Tu es apaisée. Ta vie sans fards va exploser. Férocement.

Je te retrouve lors d’une cérémonie hommage à l’université des Antilles en 2019. L’année précédente, on (les lecteurs) t’avait décerné le Nobel alternatif. Je m’approche de toi et à genoux (parce que tu es assise et que tu le vaux bien que je sois à genoux à tes pieds) je te murmure à l’oreille ce que je sais de toi ; et tu m’embrasses à chaque parole ; de « gros bos » comme on dit chez nous. 

La Guadeloupe qui t’a toujours aimée (mal pensais-tu) pave ton chemin de roses, d’hibiscus et de bougainvillées. Tu es enfin apaisée. Tu n’as jamais quitté ce petit pays. Tu l’as juste agrandi à la mesure du monde, encapsulé dans des nuages fragments et nomades pour le polliniser dans son entièreté.

  1. Bonjour
    Merci pour votre vérité
    Merci pour avoir bien retranscrit cette relation ambiguë avec les guadeloupeéns, son peuple malgré tout, mais qu’elle a eu tant de mal à cerner
    Bien sûr, nous ne sommes pas le centre du monde mais beaucoup, dont moi, se sont sentis humiliés quand elle a claqué la porte de son île en affirmant que nous ne la méritions pas.
    Nous avons beaucoup échangé à ce sujet dans ma famille.
    Après tout ne dit-on pas que « nou tro fiè », peu démonstratifs?
    Nous avons quand même pratiquement tous une de ses œuvres, principalement SEGOU ou MOI TITUBA…
    Est-ce là de l’indifférence ou de l »inculture »?
    Je ne sais pas si vous me lirez mais je vous en remercie d’avance
    Belle journée

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