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Regarde mes yeux, ils disent bien plus que mes lèvres. Ils parlent plus fort que ma voix. Ce regard… Tu le sais. Tu le connais. T’a t-il jamais laissé le choix ? Que prétends-tu ne pas y voir ? Tout y est si limpide. Pourquoi avances-tu encore à tâtons ? La lumière de mon cœur éclaire tes pas, jusqu’à mon désir. Tu peux même y voir les quelques débris laissés par ceux avant toi. Ils sont signalés et ne te feront pas trébucher. Reflète-toi dans mon regard, comme dans un miroir. Aime toi jusqu’à t’y perdre, pour m’aimer jusqu’à te retrouver.

Approche-s’il te plaît. Commence par un baiser sur mes lèvres. Je veux me défaire de la fétidité des autres, de l’arrière-goût qu’elle t’a laissé. C’est le premier, il a toujours le goût de l’abandon et l’amertume de la rancœur. Il a aussi le gout des retrouvailles. Le gout de l’ébullition et deséruptions. Ce nectar si familier, si rassurant mais toujours si surprenant tant il est exquis.

Grisant… de gourmandise à la concupiscence. Ton corps m’enveloppe au fur et à mesure qu’il me découvre. Combien de fois ai-je exploré chaque centimètre carré de ta peau de mes lèvres ? Et toi ? Combien de fois as-tu réappris chaque courbe de ma silhouette des tiennes ? Combien de fois ai-je délicatement recueilli tes perles de sueur avec ma langue ? Combien de fois as-tu approfondi la cavité de mon intimité ? Je ne saurai expliquer pourquoi ces trillions de nerfs que tu excites demandent à mon cerveau de me faire voyager.

Chaque fois : l’appréhension, le vertige et le plaisir. Chaque fois, cette impression étrange de plénitude. Pourquoi mon cerveau refuse d’enregistrer le goût de nous ? Pourquoi continue-t-il de me griser, de me transporter, de m’exalter ? Pourquoi faut-il que jamais je ne sois repue, lassée, éreintée de toi ?

Bien sûr toi aussi, tu l’as fait des milliers de fois avant et combien de fois le feras tu après ce soir, mais je te le garantis, nulle autre n’est comme moi, ça j’en suis sure.

Cette saveur, l’as-tu déjà retrouvée, sur ces mêmes peaux que la mienne, dorées par le soleil et tannées par les alizés ? As-tu retrouvé le goût de nous ailleurs ? Ou continues tu de chercher frénétiquement une gémellité de ma saveur. Ne te fatigues pas. Il n’y aura même pas d’effet placebo pour te consoler. Ne prends pas mon arrogance pour de la vanité, il m’a fallu tant de vulnérabilité pour me rendre à nos évidences.

Cette rage que tu ressens, je la ressens aussi. Je suis dévorée par la fougue. La passion m’inonde jusqu’à cette douce folie que je veux fuir. J’ai laissé chaque strie de tes empreintes se tatouer dans ma chair. Je n’ai pas protesté lorsque tu as apposé tes mots sur ma peau. Je suis chaque fois complice de ma propre damnation. Je savais que tes paumes laisseraient des traces indélébiles. Que tes doigts pianoteraient un code que nul autre ne pourrait déverrouiller. Demain, je compterai les entailles laissés par l’épée que tu as sur la langue. Je ramasserai les éclats de maux lancés avec fracas sur mon dos. Un dos si large qu’il encaissera, absorbera les vibrations et les cognements de tes ardeurs.

Ma peau, s’interposera entre cet amour contrarié et nos cœurs désœuvrés. Cette peau qui couverte d’impudeur s’échauffe sous tes doigts : agrippe-la, étreins-la, pétris-la… Fais-moi la peau. Tu le tais comme toujours. Mais la pression de tes mains sur mes hanches dit le contraire. Tes caresses modèlent ma peau. Ton regard si mélancolique, ta façon de m’étreindre. Ce besoin de me maitriser fermement comme si je pouvais m’échapper, comme si j’en avais envie. Tu le nies comme toujours, je sais, je t’ai manqué.

Dans cet espace sacré, mon corps s’est fait temple. Ton souffle se fait vent. Chacune de tes expirations vient heurter ma nuque ardente. Chacune de tes onomatopées vient attiser les braises de mon désir. Au fur et à mesure que le bruit des sirènes s’éloignent, le tumulte extérieur s’apaise. Le monde d’habitude si bavard semble aphasique. Ni le temps, ni l’espace ne représentent plus rien au sens où nous l’avons toujours connu. Pas plus qu’avant toi j’appelais plaisir ou amour. Ces mots que tu chuchotes à mon oreille sont assourdissants. Ils m’enivrent et me bouleversent. On croirait ce moment figé dans le silence. Quel silence? Cette mélodie que j’entends, c’est la nôtre. Ce tambour qui cogne contre nos poitrines, demandant à s’exprimer. Ton souffle qui se fait court. Ce second souffle que je reprends. Le temps se démultiplie. Les draps crissent, nos peaux se décollent, les ondes de chaque choc. Entre démêlés de mélanine et murmures amoureux les émotions jouent leurs propres partitions.

Bou dou dou ta ta ta ta

(…)

Ce kaladja à deux temps, à quatre mains si langoureux si

fougueux je voudrais qu’il ne s’arrête jamais. Enfin on parle

la même langue. Enfin on joue à l’unisson. Mais déjà la lune

bienveillante si habituée à couvrir nos exercices de vices et

de vertu doit laisser place à cet astre arrogant et jaloux de

notre lumière.

Ne pars pas, ne fuis pas, reste encore.

Jusqu’à notre ultime cri, jusqu’au dernier souffle, jusqu’à la dernière perle de sueur finissant sa course au creux de mes reins. Jusqu’à nos dernières ardeurs. Jusqu’à ce que l’ultime larme que ton nectar éclabousse mes murs de chair. Parce qu’on ne sait jamais quand sera la dernière fois. On ne sait jamais que c’est la dernière fois… Ça doit être pour ça qu’on s’aime si fort. Parce que ça doit s’arrêter. Parce que le futur n’est promis à personne. Surtout pas à nous. Je suis perdue. Confondue en toi. Engloutie par cet amour. Abandonnée dans l’espoir que tout ceci soit réel. Déboussolée parce que je peux me le permettre. Tellement ébranlée qu’il m’a fallu me questionner, me découvrir, me réapprendre, me retrouver pour y survivre. Une fois notre lumière mise en veille, le monde allumera la sienne pour empêcher notre royal chaos de briller en plein jour. Comme toujours, elle viendra brûler nos démons, révéler la laideur du présent et la disgrâce de nos forfaits.

Ne pars pas, ne fuis pas, reste encore.

Ainsi demain, nous

dirons à ce maudit Soleil qu’il n’est plus l’astre roi. Que ses

rayons ne nous ont pas brûlé les ailes. Finalement capables

de le regarder en face, nous sommes devenus aveugles à

sa lumière parce qu’aveuglés par notre propre fusion sous le

firmament de notre amour.